extrait 2 - le départ

Notre peuple est errant, notre peuple ressemble à celui qui vit derrière les barreaux des banlieues. La couleur de notre peau inspire l’obscurité.
Les camps sont partis. Derrière les roues des caravanes, les feuilles piétinées ensevelissent nos légendes ; notre passé ne s’écrit pas sur la marge des dictées.
Nous partions sans cesse, de ville en ville nous avions un trésor inaltérable : celui de la dépossession. Nous jetions, en pâture aux mouettes, nos libertés, comme les clowns sous le chapiteau qui, eux, poursuivent les galaxies du rire.
Nous, nous absorbons les étoiles, nous avons des sourires d’adieu sur chaque morceau de terre.
Nous, les enfants, nous usions nos oripeaux dans les cours d’école. Nous reniflions toujours en nous essuyant de nos mains. Sous les regards lourds de menaces, nous étions marqués par nos différences.
Le pleurnichard, le « couineur », le petit chouchou, al-laient toujours se plaindre de ces gamins aux mines un peu sales.
Pourtant, pour nous, enfants aux grimaces et aux mains terreuses, aux chaussures trop petites, l’errance est le rayon des poètes.
Nous nous sentions épiés, reniés. Quand le soir, dans nos yeux emplis de larmes, telles de belles perles, qui coulaient sur nos joues, nous savions qu’aucun banc d’école ne serait une corde solide. Nos matins étaient nos départs de cette barrière silencieuse.
Partir pour rompre ces amarres de termites ouvrières.
Apprendre à lire, à écrire comme les autres aux chaus-sures cirées était le seul engagement pris pour cette mascarade.

extrait 1 -

J’aime ce moment sous la lumière bleue du long crépuscule, à la clarté d’un feu de branches.
Ce moment où l’image m’apaise, estompe les sillages de mes yeux fatigués et me ramène vers les champs et les châles. J’aime ce moment et je le redoute.
Car maintenant je sais.
Je sais à présent qu’il est des âmes qui doivent forcément aspirer sous le fardeau des gouttes d’eau sortant de la poussière. Cet hermétisme n’a ni école, ni secte, ni communauté, il est le destin de ceux qui sont poussés par le courant du fleuve.
Cela ne s’arrête jamais. L’on doit renoncer à sa propre vie, de sa jeunesse au vieillissement… Sans fin ni cesse, d’une obscurité à une autre obscurité.
En moi renaissent des visages disparus sur lesquels se gonfle la chair suave et duvetée ; que montent en moi des cris partis trop tôt. Leurs yeux vides se mêlent à ma prunelle, leurs mains agrippent les miennes pourtant si petites.
Ces fantômes-là n’acceptent pas leur disparition, ils enveloppent toujours leurs messages de grand romantisme. Le bronze de leurs statues dégouline dans un bruissement de cas-cades. Leur pourpre déchirée sème la poésie et macule tous les soleils noirs.
Ils connaissent les initiations secrètes car ils sont aux cô-tés des mystères millénaires.
Au travers des âges ils sont le gouvernement occulte, et façonnent secrètement la destinée de l’humanité.

extrait 3 - Les cartes

La voyance de nos jours est devenue l’apanage d’une horde de perruches qui déversent de leurs cratères jaunis des flots de mensonges lucratifs. Là où nos souffrances, nos drames nous ont amenés à lire depuis si longtemps dans le livre du labyrinthe, les autres bavardes à la cloche dorée se pavanent dans des salons en tenant des dialogues sans suite, marchandise de pacotille dont elles affichent les prix.
Elles sont persuadées de leur légitimité, emportées par la fièvre de leur imagination. Leurs méthodes ne sont plus qu’un dogme matérialiste. Finalement dans ces box de salon, même si elles ne soulèvent pas leurs robes, on pourrait se croire dans une maison close, car il y flotte, comme dans ces endroits-là, une odeur mêlée de guimauve et de naphtaline. Elles y vendent des gris-gris de défense, s’inventent des religions, remplissent des bouts de tissu d’un sable qui devient presque un diamant ; tout se vend à prix d’or, tout se dit à prix d’or ! Le profit s’est abattu sur nos mystères.
Les consultants en font les frais avec résignation et, té-moins flegmatiques, ils approuvent les prédictions, ayant oublié les mystères et les silences.
Au gré de ma vie lourde je guide les âmes de nos contes, nos cartes et le cristal de ma boule de lumière.
Je refuse d’entrer dans l’infernal commerce qu’est devenue la voyance.

Résumé et commande

Terrains interdits
« Les peuples errants sont éternellement apatrides.
Je ne suis qu’un caillou au bord de la route.
Je viens de là où l’on dresse les campements du soir.»
Naître avec un don héréditaire, être médium.....
Une vie de bohémienne sur les terrains interdits, puis devenir thérapeute pour apporter aux autres un peu de ce qu’ils attendent....
Dans l’exercice de son don, l’auteure côtoie de bien étranges personnes ou des situations qui le sont tout autant.
Elle a souhaité nous transmettre son regard sur le monde qu’elle approche mais aussi sur la façon dont elle le vit ou est perçue.
Le voyage se fait ici, de son écriture poétique vraiment originale et nous emmène à la rencontre de ces autres dont elle perçoit plus qu’eux-mêmes.

L'auteur dédicace sur demande les ourages commandés ici