Amour à mer (extrait)

C’était avant, c’était ailleurs,
Là-bas, derrière les dunes.
Il y avait des pêcheurs
Au loin sur la mer brune.

Eux, marchaient côte à côte,
Leurs vêtements envolés
Dans les mille herbes hautes
Par le vent aliéné.

Ils étaient jeunes et beaux,
J’aurais aimé les coucher
Sur une de ces photos
Brillantes de papier glacé.

Ils se tenaient la main, je crois,
Leurs doigts enroulés, emmêlés,
Apparition d’un au-delà
Dans un parfum d’éternité.

Les vagues ont léché leurs pieds
Avant de les recouvrir,
Et sans doute ont-ils frissonné
De froid ou de plaisir…

Il s’est allongé sur le sable,
Les bras en croix, les yeux au ciel,
L’eau le prenait, insatiable,
Aspirant à l’avoir en elle.

Sa compagne s’est assise
Et a caressé son visage,
Son regard d’insoumise
Perdu loin du rivage.

Mon coeur

Comme la roche sur laquelle a coulé l’eau,
Dur et glacé, et pris dans un étrange étau,
Mon cœur s’est resserré, et s’essouffle à présent.
Je le sens fatigué de m’irriguer le corps,
D’assurer ma survie aux dépens d’une mort
Qui m’attend, s’impatiente au-delà de la chair,
Cette fin qui me guette aujourd’hui plus qu’hier,
Qui s’attaque à ma faim et me laisse rongée
Par un vide insatiable… ou le mal d’être née.
Ce fléau m’a creusée, depuis le fond de l’âme
Jusqu’à l’espoir qui fuit comme une douce lame,
Qui flotte et puis s’échappe à ma surface lisse,
N’abandonnant en moi que les vagues esquisses
D’un néant se fondant en mon être un peu trouble.
Je me perds, tandis que cet être se dédouble
Et glisse entre les failles d’un esprit torturé.
Mon cœur n’est plus alors qu’un objet déposé
À l’intérieur de moi, au début d’une vie
À laquelle je veux croire en dépit du puits
Où sont tombés ma foi, mes illusions, mes rires,
Et où je ne suis plus que doutes et délires ;
Une vie qui me voit seule avec mes besoins,
Une vie qui n’est mienne qu’en songes assassins,
Dont la réalité m’apparaît dérisoire.
Peut-être vais-je enfin être envahie du noir
Qui m’attire et m’oppresse à chaque autre question ;
Peut-être vais-je enfin m’évader des passions
Qui me retiennent en bas, si bas… Simple matière
Cherchant à s’élever au-dessus des barrières,
Au-delà des limites, pour toucher la lumière :
Soleil, éternité, infini et… misère.

À Marc - 7 août 1993

Quand l'heure viendra (extrait)

Quand l’heure viendra
Qu’y aura-t-il derrière
Qu’y aura-t-il là-bas
Au-delà des barrières
Du monde et de ses lois
De la vie qui s’en va…
Qu’y aura-t-il à voir
À sentir, à toucher
Ou juste à percevoir
Qu’y aura-t-il à voler
Et pourra-t-on s’envoler
Tout là-haut, bien au-dessus
Du peuple et de ses vertus
Du peuple et de ses ratés
Pourra-t-on tourbillonner
Et danser pour l’éternité…

Lorsque le vent balayera
Tous les espoirs et les transes
Les vagues d’une existence
En un tour de bras
En un souffle invisible
En un brouillard horrible…

Qu’y aura-t-il à pleurer
Autre qu’une longue absence
Autre que la malchance
Et autre que le passé
Qu’y aura-t-il à prendre
Qu’y aura-t-il à donner
Qu’y aura-t-il à apprendre
Qu’y aura-t-il à aimer…

 

 

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Masques (extrait)

Masques de pluie, même Lui se cache
Derrière un rideau gris triste à mourir
Barbelés agressifs attendent qu’on les arrache
Au-dessus des murs, ceux qui font souffrir,
Les trottoirs sales et les égouts sombres
Déversent la haine palpable et puante
Des hommes qu’on a forcés à rester dans l’ombre
Et des enfants qui trouvent la vie démente.

Masques de paroles aigres-douces
Presque croyables, et si mensongères
Visages de marbre, voilés de mousse
Dont les bulles dissimulent les vrais airs
Et effacent les traces de consciences jaunies
Regards rivés au sol en ignorent les flaques
D’eau ou de sang, qu’importe, le silence est mépris
Et l’hypocrisie est toujours d’attaque.

Masque d’amour, plus qu’impénétrable
Les sentiments s’enterrent sous des misères atroces
Calcinés, s’effritent, fragiles et dégradables
Broyés sous un poids d’interdits trop féroces
Déjà l’affreuse pitié veut tenir lieu d’amitié
Alors que la confiance est morte depuis peu
La beauté intérieure apparaît maquillée
Et les rêves de bonheur ne sont que malheureux.

"Elle a le charme de l’adolescence
Des recherches de bienfaisance
Et quelque chose de caché
Au fin fond de ses secrets…

Extrait de la préface d'Anne-Marie TESSIER