extrait 2 - Sur la porte

Au fond du jardin de Philippe, la vigne vierge dissimulait une vieille porte en bois...

Cette porte, le photographe l’ouvrait presque tous les jours pour le seul plaisir de venir au bord du Morin. Parfois, il immortalisait les éclats du soleil sur l’eau, les cygnes, les canards et les poules d’eau qui passaient. Il avait essayé de les dessiner aussi mais ses traits de crayons étaient maladroits. Connu comme « l’homme aux mille éclats » pour son habileté à capter les reflets, les arcs-en-ciel, les gouttes de lumière ou d’eau dans ses clichés, il jouissait tranquillement des fruits de son travail et n’exerçait plus son art sur commande, mais seulement par plaisir pur.

Philippe vivait à Crécy-la-Chapelle depuis des années mais ne se lassait pas de ce cadre bucolique. Les longues promenades dans la nature et les petits tours en barque nourrissaient sa paisible réflexion sur le monde.

De l’autre côté du Morin, en vis-à-vis de la porte de son jardin, une autre porte resta très longtemps fermée. Un jour, pourtant, elle s’ouvrit. Une femme en sortit, équipée d’un transat et d’un parasol. Elle s’installa sur l’herbe, face à l’eau, se déchaussa et laissa le soleil dorer ses jambes nues.

.../...

Extrait 1 - L'armoire

Des bruits insolites la réveillèrent. Des grincements, des craquements. La jeune fille se frotta les yeux et bailla. Elle mit un peu de temps à se rappeler où elle se trouvait. Les bruits lui parurent provenir de l’armoire. Cécile fronça le nez, inquiète. Pourvu que ce ne soient pas des souris !

Elle alluma sa lampe de chevet, mit ses tennis et se dirigea sur la pointe des pieds vers l’armoire. Elle ouvrit brusquement la porte. Une lueur venait du fond du meuble, les sons semblaient aussi provenir du dessous.

Cécile se glissa à l’intérieur de l’armoire. Aussitôt, la porte claqua et elle éprouva un vertige. Le sol se dérobait sous elle. La jeune fille descendait à toute vitesse. Était-elle dans un ascenseur ? Soudain, tout s’immobilisa.
Les jambes tremblantes, Cécile poussa de tous côtés, cherchant une issue. Une cloison céda, à l’opposé du côté par lequel elle était entrée. La jeune fille poussa la porte.

À sa grande surprise, elle déboucha dans un lieu fortement éclairé : .../...

Extrait 3 - Troublants secrets

Je suis une porte pas comme les autres. Ce que je suis, j’ose à peine vous le dire, il faut me promettre le secret. Je suis une porte de confessionnal. Nulle autre porte n’entend autant de confidences que moi. Personne ne crie jamais près de mon bois, on chuchote, on murmure. J’ai le sentiment que les mots me caressent, me bercent ; ils me font dormir parfois, mais, souvent, ils me réveillent car j’en entends des vertes et des pas mûres, des histoires si passionnantes que, parfois, le curé de ma paroisse s’en agrippe d’émotion à ma grille pour reprendre ses esprits et savoir que répondre.

Dès que j’entends : « Pardonnez-moi, mon père parce que j’ai pêché », les nœuds de mon bois se tendent d’attention et j’observe avec curiosité l’arrivant ou plutôt l’arrivante car ce sont presque toujours des femmes.
Ce samedi matin, le curé avait à peine eu le temps de s’asseoir à son poste qu’une femme arrivait déjà, haletante.

– Je suis en colère, mon père, dit-elle. Je sais que ce n’est pas une bonne chose mais je ne peux pas m’en empêcher. J’éprouve de la rancune. Je me sens aigrie, amère, désillusionnée ; j’ai faim d’être en paix, j’aimerais aimer tout le monde et, pourtant, la haine vient gonfler mon cœur.

– Pourquoi, ma fille ? demanda le curé.
.../...

Après « Sautez le mur ! », le couple Weislinger nous propose de repasser le seuil de la porte de son imaginaire le temps de quelques nouvelles.

Histoires fantastiques, policières, poétiques ou vécues se mêlent pour nous surprendre et nous réjouir, de quoi nous faire regarder les portes d'un autre œil.

Le lecteur n'a plus qu'à se hâter de refermer une porte pour pousser la suivante.