extrait 2 - Poulette

Imperceptiblement et sans qu’il en eût bien conscience, le rythme de vie de Régis changea. Il calquait désormais ses horaires sur les besoins de Poulette, n’oubliant jamais d’ouvrir la porte du poulailler avant de partir au travail, entretenant une propreté méthodique du lieu, nourrissant largement la rescapée qui ne tarda pas, à ce régime, à se refaire une santé.
Elle prit du poids, ses plumes repoussèrent et sa crête, à présent d’un beau rouge vif, se redressa fièrement. C’était une jolie bête au plumage brun roux et au regard perçant qui semblait scruter tous les faits et gestes de celui qu’elle considérait à juste titre comme son sauveur. Elle piétinait autour de lui pendant qu’il vaquait à ses occupations, et gloussait doucement, rassurée.
Une étrange complicité s’instaurait à l’insu du garçon.
Il resta toutefois pantois lorsqu’un soir, au retour de l’usine, il la vit accourir à sa rencontre. Elle avait reconnu le bruit du moteur, était passée sous le grillage de son enclos et venait l’accueillir avec des caquètements joyeux. Il pensa tout d’abord qu’elle avait faim, mais ce comportement le troubla, d’autant qu’il se renouvela de plus en plus souvent.
Un événement inattendu vint resserrer les liens entre l’homme et l’animal.

extrait 1 - Falco

La porte du local s’ouvrit et ils gémirent de terreur. Ce n’était pas leur soigneur, encore moins leur bel ami officier, mais des inconnus à l’aspect totalement inhabituel et au parler étranger.
– Putain, des petits clebs ! s’exclama l’un d’eux.
Devant la capitulation imminente de l’Allemagne, les nazis avaient fui, abandonnant à une mort lente et atroce, prisonniers et otages, enfermés dans leurs geôles gestapistes, laissant derrière eux les chiens, devenus aussi inutiles qu’encombrants.
– Flinguez-moi tout ça, ordonna un sergent. C’est que du boche !
– Pas question !
Un officier s’était interposé. Ce n’était pas leur ami tant attendu, aux petits chiens transis de peur, mais ce fut bel et bien lui qui leur sauva la mise, face à la haine raciale omniprésente.
- Prenez les bébés, ajouta le lieutenant français. Et traitez-les bien. Il y a eu assez de carnage et ce n’est pas fini.
Eh oui, ça existe, les militaires au grand cœur…
Et viendrait en effet le temps des sordides règlements de compte dont personne n’eût à se glorifier.
Un des soldats s’était agenouillé devant la cage.
– Je peux en prendre un, mon lieutenant ? demanda-t-il timidement. Je m’en occuperai bien, croyez-moi.

.../...

 

 

 

 

 

extrait 3 - Gustav

Il était extraordinaire, ce bestiau. Je n’avais, bien sûr, jamais côtoyé de porc de ma vie, et je découvrais en lui un agréable compagnon, affectueux et même joueur. Il était très proche de l’humain et, d’emblée, me fit confiance, tandis que, dans les premiers temps, je conservai envers lui une certaine réserve. C’était vraiment une grosse bête, et ses dents impressionnantes m’inspiraient, malgré sa bonne humeur, une méfiance certaine.
Un jour que je commençais à me familiariser un peu, je lui jetai, par jeu, un petit chou vert. Il le réceptionna aussitôt sur son groin et me le relança. Un peu surpris, je récidivai, comme je l’eus fait avec un chien. Et il se mit en effet à jouer comme un chien ! Dribblant le chou entre ses pattes comme il l’aurait fait d’un ballon, puis me le relançant d’un énergique coup de tête. Je me mis à courir pour le rattraper et le rejetai d’un savant coup de pied dans sa direction ; Gustav fonça pour le récupérer et me le renvoya de plus belle. But !!!!! Ce fut sans doute le match de foot le plus épique jamais joué entre homme et bête, qui nous laissa essoufflés et ravis comme des gamins. De ce jour, je n’eus plus aucune appréhension le concernant.
Mais Gustav ne fut pas qu’un agréable compagnon de jeu. Malgré un sort plus qu’enviable par rapport à certains de mes compatriotes, je ne pouvais m’empêcher de penser à ma famille restée de l’autre côté de la frontière et dont je n’avais aucune nouvelle.

Résumé et commande

Passant de l'Afrique contemporaine aux années 60 ou à l’armistice, ce recueil de cinq nouvelles nous offre des histoires authentiques d'amitiés tant humaines qu'animales.
Un berger allemand sorti des sous-sols de la gestapo, une chatte grande chasseresse, un singe mangeur de diamants, une poulette inattendue, un cochon gardien d'écluse, sont les héros de ces rencontres qui transforment la vie de ceux qui les côtoient.
Ces nouvelles, plus étonnantes les unes que les autres, montrent, s'il en est encore besoin, la sensibilité et l'intelligence de nos amies les bêtes.
D'une époque à l'autre, d'un lieu à l'autre, c'est par une écriture riche, sensible et non dénuée d'humour, que l'auteur nous fait voyager au sein de ces émouvantes et insolites amitiés.